:: la traversée ::
:: La traversée :: Texte du 21 mai 2019
J'ai appris à aimer la pluie le jour où Matthew McAnuff est mort.
J'ai appris à aimer la pluie, parce que je me suis souvenu de sa voix qui me disait avec l'accent Jamaicain, « U cool ? U cool, Me cool. Sunshine is in your heart, always » (Est-ce que tu vas bien ? Si tu vas bien, je vais bien. Le soleil rayonne dans ton coeur, toujours ).
C'était lui le soleil et je garde dans mon cœur son sourire radieux.
C'est une des rencontres fortes que j'ai pu faire grâce à la photographie.
Il est mort le 22 août 2012. Ce fut une des pires nuits de ma vie, j'ai perdu un ami, un amant, un amoureux, un soutien, il est venu souvent hanter mes jours. Faire le deuil d'une personne aussi jeune et aussi proche à la fois m'a pris beaucoup de temps, quelques années, avant d'accepter les circonstances et sa mort tragique.
Ces jours-ci, je traverse aussi un deuil, la fin d'un cycle de 10 ans.
J'ai décidé de changer, il y a 10 ans, j'ai décidé d'aller le plus possible vers mon essence, vers ce que je suis, j'ai décidé de vivre ma vie et cela aussi suppose de faire des deuils, d'abandonner certains comportements ou certaines illusions en route...voir même des personnes.
J'ai dit : « Je veux une vie extraordinaire ! »
Ce n'est pas facile la traversée. Je pourrais être tentée de ne parler que des moments de grâce et de victoire, d'avancée... Ce que j'appelle la traversée, c'est ce moment où tu n'as pas forcément le moral, où tu te sens déprimée, où tu tires sur tes réserves qu'elles soient physiques, mentales, énergétiques, tu sens bien que c'est difficile.
Ce qui me permet d'avancer encore, c'est que je sais précisément que cela veut dire que je passe un pallier, que quelque chose de moi meurt pour laisser place à quelque chose de nouveau, (EDIT 2024 : que je mue et que cette mue rend forcément vulnérable, la prochaine peau étant encore toute fine et l’ancienne obsolète).
Ce qui me permet d'avancer, c'est que je sais désormais demander de l'aide, appeler mes amis, dire : « j'ai besoin d'amour, là je n'y arrive pas toute seule », je sais que je suis humaine et que je ne peux pas faire seule tout le temps.
Je sais aussi que j'ai des outils pour m'aider dans la traversée : prendre un bain dans la mer, danser, chanter, créer quoique ce soit et sans but, aller marcher dans la nature, m'allonger sur le sol et m'écouter respirer …
Je sais qu'une part de moi-même va bien, qu'une part potentielle de moi va bien, alors je vais la chercher ! Et quoique vous diront les spirituels qui disent : « laisse faire la vie, regarde ta tristesse... », je regarde ma tristesse, je la laisse se transformer quand c'est une émotion, mais je ne la laisse plus s'installer, je l'exprime à travers la danse ou le chant, je transforme, je me bouge parce que justement je suis vivante !
Soyez vivants ! Accepter la mort dans sa vie, c'est se rendre compte de tout ce qu'elle peut nous apporter, la transformation, le passage vers un meilleur inconnu.
Alors, cela peut paraître bizarre, aujourd'hui je célèbre la vie, parce que justement j'y ai accepté la présence de la mort.
Et parfois pour marquer un passage, nous avons besoin d'un rituel, d'inscrire la transformation.
La photographie est un moyen de le faire. Inscrire, arrêter le temps sur le moment de ta transformation, pour te rappeler toutes les forces nécessaires de vie qu'il t'a fallu et célébrer ton courage et ta renaissance...
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Démarquez-vous
Matthew Mc Anuff à Montpellier en 2009.
Portrait argentique, Canon Eos 5.