:: L’arbre ::

Ce texte est le résultat d’un exercice d’écriture automatique durant ma formation d’art thérapeute (16 février 2016). Je me replonge ces jours-ci (Novembre 2022) dans mon journal de bord, je revois des consignes et redécouvre mes expériences et mon évolution à travers mon écriture.

L’arbre a été très présent durant ce parcours de formation, je me suis souvent représentée comme un arbre, et depuis j’utilise aussi les arbres soit dans mon processus thérapeutique de réconciliation avec son image, son corps et son identité : Photomorphose, soit dans les accompagnements individuels que je propose pour apprendre à se connaitre mieux et à se réconcilier avec son essence.

J’avais envie de partager ce texte, je le trouve beau, intemporel, il était une prémonition de mon futur voyage en Mongolie (Juillet-Août 2018) mais aussi une représentation de plusieurs thèmes chers à mon coeur : les racines et l’identité, l’hypersensibilité et les masques ou écorces créées pour se protéger, le mouvement, le corps, le nomadisme, les grands espaces et la nature…

“L’arbre se tient droit, fier, au milieu de la steppe, seul la tête haute, il regarde aux alentours.

Collines et vallées, brumes matinales qui s’étirent au loin. L’air est sec, froid, la lumière est dure et le vent siffle dans ses branches.

Un son lancinant, une boucle sans fin qui l’apaise, le berce doucement.

Où sont-ils tous ? Les hommes qui avaient établis leur campement quelques jours plus tôt ont repris la route. Nulle trace de leur passage. Les troupeaux qui paissaient autour de lui ont suivi les hommes dans leur voyage. Les enfants rieurs qui jouaient avec quelques bouts de bois autour des chevaux lui manquent. Les couleurs vives des yourtes, les chants des femmes affairées à préparer le repas autour du feu, le chatoiement de leurs robes et de leurs bijoux ont laissé place au vert et au gris de la nature. Une nature dure, froide, presque endormie.

Où s’en sont-ils allés ? Vers quelle autre plaine ? Vers quel autre arbre ?

Un matin, ils les avaient vus faire tomber les lourds piliers qui soutiennent les toiles des yourtes, refaire les malles, emballer les ustensiles de cuisine, rappeler les enfants, équiper les chevaux.

Ils avaient repris la route, le laissant à nouveau seul dans un morne quotidien.

Les oiseaux venaient pourtant souvent lui tenir compagnie, siffloter dans sa ramure mais il était nostalgique du spectacle vivant des hommes. Il ne pouvait pas les suivre.

Ses racines étaient bien enfouies, loin sous terre, prisonnier de sa nature.

Aurait-il voulu être un homme ?

Aurait-il voulu les suivre ?

Il ne savait rien de leurs vies, de leurs propres difficultés ; il n’avait vu que la force vive de leurs mouvements durant quelques semaines. Un étrange ballet, rythmé par le cycle solaire, le va et vient du jour et de la nuit, l’entretien des bêtes et l’organisation des repas. Il avait vu le jeu des enfants.

Il était là, en observateur, emmuré dans son écorce, sans volonté propre.

Ses racines puisaient l’eau et les minéraux dont il avait besoin, le soleil lui procurait l’énergie nécessaire à son métabolisme, quelques insectes s’étaient installés en son coeur. La vie coulait en lui mais il ne décidait de rien.

Le hasard avait décidé de sa naissance, la graine riche de son futur avait volé de quelques mètres, portée par le vent. Il n’avait ni décidé de l’endroit, ni du moment. Tout s’était agencé autour de lui pour lui donner vie. A présent, il était là pour beaucoup d’années encore, à regarder la steppe, voir passer les saisons, essayer d’imaginer les terres derrière l’horizon vers lesquelles les hommes avaient poursuivi leur chemin.

Il se sentait parfois impuissant.

Pourtant, la vie s’écoulait en lui et autour de lui avec beaucoup de calme, la nature était belle et lui procurait un spectacle permanent. Les saisons s’écoulaient, ses repères ne changeaient pas.

Les montagnes au loin, ne bougeaient pas ; cela le rassurait.”

Précédent
Précédent

les osselets de Mongolie et le jeu de la vie

Suivant
Suivant

:: Écologie extérieure et intérieure ::